Dit artikel verscheen 5 juni 2019 op pagina 19 in La Libre Belgique.
Je ne sais pas où en sont les négociations au plus haut niveau mais, en ce qui nous concerne, nous avons apporté notre pièce au puzzle”, résume la Belge Petra De Sutter (Groen) au lendemain de la réunion de la Commission du Règlement qu’elle ...
Véronique Leblanc Correspondante à Strasbourg
J e ne sais pas où en sont les négociations au plus haut niveau mais, en ce qui nous concerne, nous avons apporté notre pièce au puzzle”, résume la Belge Petra De Sutter (Groen) au lendemain de la réunion de la Commission du Règlement qu’elle préside au sein de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Ce lundi 3 juin était en effet une étape importante dans le processus de déminage de la crise avec la Russie officialisé le 17 mai à Helsinki par une Déclaration du Comité des ministres (CM).
Crise existentielle
On connaît le problème : privée de son droit de vote à l’APCE en avril 2014 après l’annexion de la Crimée, la Fédération de Russie joue depuis lors la politique de la chaise vide dans l’hémicycle tout en continuant à siéger au CM. Une schizophrénie institutionnelle d’autant plus difficile à soutenir pour le COE que Moscou a suspendu sa contribution budgétaire depuis juin 2017. Crise politique, crise institutionnelle, crise financière, l’impasse est devenue d’autant plus existentielle que le spectre d’un “Ruxit” se profile à l’horizon de l’été prochain. Perspective on ne peut plus menaçante, tant pour le COE que pour la société civile russe qui se trouverait de facto privée du recours à la Cour européenne des droits de l’homme.
À “circonstances exceptionnelles”, mesures exceptionnelles, prône la résolution adoptée par la Commission du Règlement. Adossée au rapport De Sutter – notre compatriote ayant été la seule à accepter de prendre à bras-le-corps ce dossier ultrasensible – cette résolution se réfère à la demande exprimée par le CM à Helsinki, à savoir la participation de toutes les délégations nationales à l’élection du ou de la prochain(e) secrétaire général(e) du COE prévue à la session de juin.
Pour y parvenir, il faudra : premièrement que le rapport De Sutter soit adopté afin de modifier le règlement en vigueur, deuxièmement que, dans la foulée, Moscou présente les pouvoirs d’une nouvelle délégation à l’APCE – démarche qui réglementairement ne peut se faire qu’en janvier mais qui serait autorisée en juin au vu des “circonstances exceptionnelles” auxquelles se réfère le rapport De Sutter –, troisièmement que ces pouvoirs soient ratifiés par l’hémicycle, et là on sait que cela bloquera du côté de la délégation ukrainienne et de ses soutiens.
Il y aura donc contestation et renvoi dans deuxcommissions, celle des Affaires politiques et celle du Règlement. À charge pour elles de rédiger un rapport qui sera débattu et voté par l’assemblée. Cette procédure n’est toutefois pas suspensive et ne pourra pas empêcher la délégation russe de participer à l’élection du secrétaire général.
Cela suffira-t-il aux Russes ?
Le processus reste cependant aléatoire et ce d’autant plus que le rapport De Sutter prévoit qu’une ratification peut s’accompagner de sanctions telles que l’impossibilité pour les membres d’une délégation concernée de présenter un rapport ou de participer à des missions d’observation des élections… En excluant toutefois cette fameuse suspension du droit de vote qui avait tant fâché les Russes.
Cela suffira-t-il à apaiser Moscou ? “C’est toute la question”, confirme Petra De Sutter qui note toutefois des échos positifs dans la presse russe ce mardi. “Le ministre des Affaires étrangères Lavrov dit qu’il a pris bonne note de la position de la Commission du Règlement mais que le dernier mot reviendra à la Douma…” .
Un calendrier serré
Élue au Parlement européen le 26 mai dernier, Petra De Sutter sera donc au cœur du réacteur lors de sa dernière session au COE. Elle défendra son rapport dès le lundi 24 juin dans l’après-midi, s’il est adopté la délégation russe pourra – si elle y consent – présenter ses pouvoirs le mardi. Le débat et le vote suivant une probable contestation de ses pouvoirs auront lieu le mercredi ou le jeudi et l’élection tant attendue du Secrétaire général a été décalée du mardi au mercredi.
Le suspense durera donc plus longtemps que prévu pour Didier Reynders, candidat au poste.